Vous avez dit "modiste"?
Le mot a deux sens. Il apparaît dans la langue au XVIIème avec un sens qu'on n'utilise plus guère, désignant une " personne qui aime suivre la mode". Il évolue pour qualifier une "commerçante de vêtements féminins". Aujourd'hui le travail du ou de la modiste se consacre essentiellement à la création de chapeaux, bibis, ou autres couvre-chefs parfois appelés "bijoux de tête"!
Peut-être est-ce Rose Bertin, illustre modiste qui devint ministre des modes de Marie-Antoinette, qui permit ce glissement de sens.
En effet cette apprentie couturière, originaire d'Abbeville, monte à la capitale à l'âge de 16 ans, s'établit comme "marchande de modes", profession alors inconnue, et ouvre son magasin "Au Grand Mogol" rue Saint-Honoré. Là, elle fait fureur, inventant des coupes nouvelles, transformant un corsage avec un ruban, faisant bouillonner le pan d'une jupe, enjolivant un bonnet. La duchesse de Chartres la présente à Marie-Antoinette en 1774. A partir de là, elle devient la "styliste" de la Reine, la rencontrant deux fois par semaine. La mode est aux chapeaux, d'autant que la marchande de modes propose plumes, turbans, aigrettes, perles, chapels de roses, chiffons de gaze ... Ainsi en 1775 on voit la reine porter un nouveau couvre-chef, la "baigneuse à la reine", large bonnet de batiste, et atteignant parfois des hauteurs démesurées, décliné par les coquettes en de multiples variantes: "à la laitière", "à la religieuse", "à la créole", "à la sultane". On voit aussi apparâitre la "charlotte", bonnet constitué d'une large cloche de mouseline ceinturée d'un ruban. Quand le bonnet prend la forme d'une capuche rigide, on l'appelle "le bonnet-calèche"; quand ce dernier est ceinturé sous le menton par un grand fichu, c'est le "bonnet à la marmotte". La capeline à larges bords fait aussi son apparition; sa calotte peut être entourée d'une écharpe, lambrequinée de perles, empanachée de plumes et se décliner en variantes infinies: à la jacquet, à la Tarare (d'après une pièce de Beaumarchais), à la Montgolfier, en globe de Paphos, à la chérubin, etc. Il y a aussi les "extravagants": de grands chapeaux de paille ornés de rubans ou de plumes. Rose Bertin crée ainsi un magnifique chapeau à la Marlborough, piqué d'un bouquet de plumes d'autruche! Pour finir, les "poufs aux sentiments" dont la mode fut lancée en 1774 par la duchesse de Chartres sont sources de fascinantes créations. L'idée est de réunir sur sa tête des objets représentant ce qu'on aime le plus dans la vie, ou encore ce qui se passe dans l'actualité.
Ainsi "la Belle Poule" exhibe une frégate avec toute sa mâture, en hommage à la victoire navale française remportée en 1778 dans la guerre d'Indépendance des Etats-Unis. Je terminerai en citant d'autres poufs non moins délirants: la Comète, l'Insurgent (interdit car il contenait un serpent si ien imité qu'il effrayaait les dames!), la mappemonde, le Parterre galant, l'Oreille d'épagneul, le Marronnier d'Inde, la Poule mouillée ...
Les femmes ne manquaient pas d'audace !
A mardi prochain! Toujours pour parler de modistes!